Triste anniversaire
Déjà 14 ans. Seulement. Tellement.
Demain.
Tu allais avoir 21 ans.
Je préparais la carte pour te les fêter quand le téléphone a sonné.
En répondant ce matin-là, la porte du monde des enfants s'est refermée derrière moi. Claquement.
La gorge déchirée, les idées émiettées. Figée. Perdre pied. Amputée. Impossible de crier.
"Christelle s'est suicidée"
C'est ta mère qui me téléphonait.
Pas possible pas possible. Pas toi. Pas ça. Pas possible.
Ma soeur de sang, mon tout, mon moi d'enfant, de toujours.
A la vie à la mort.
Et non. La mort sans moi. La vie sans toi.
Pas possible.
Je garde tout depuis ce matin-là. Je ne digère pas. Il me faut continuer sans toi...
Les pâquerettes que nous aimions cueillir et secret. Les secrets, tous.
Les fourmis qu'on observait, tout ce que tu en disais.
Ta dinette, nos vies secrètes. Nos histoires. Chacune la soeur que l'autre n'avait pas.
Jamais se séparer.
Ce jour pourtant...
Je revois cette église. Mes pas sur le trajet. Les larmes me coulent.
J'écoute Brel et Brassens.
Les larmes me coulent.
Le cri ne sort pas il me brûle la gorge il me perce la poitrine. Vertige.
Seule devant ce trou.
Des marguerites par dizaines.
Jetées pour toi au fond du trou.
Pourquoi?
A quoi ça sert, tout ça?
Où es-tu?
Te dire...
Comment?
Tu ne me quittes pas. Je continue sans toi.
La vie que nous aurions eue. Tous nos projets.
L'amitié au travers des étoiles. J'y arrive mal. Je ne m'y fais pas.
Je ne sais plus dire ton prénom. A peine l'écrire.
Je te voudrais tellement là, ton sourire contre moi, nos mains liées pour avancer.
J'avance sans toi.
Où es-tu?
Ce monde était trop lourd pour toi. La vie ne pouvait pas. Le chagrin était au bout de ton chemin. On ne pouvait rien. Mais je ne m'y résigne pas.
On ne me prend pas ma soeur comme ça.
J'avance. Je te garde là. J'ai perdu tes photos mais ton sourire ne s'efface pas. Mes larmes coulent en dedans. Ma gorge brûle. Toujours. Le vertige. Toujours.
Je voudrais comme avant serrer ta main et rêver à demain.
Seule sur notre chemin.