"Lorsque le premier bébé rit pour la première fois, son rire se brisa en un million de morceaux, et ils sautèrent un peu partout. Ce fut l'origine des fées."
Je ne cesse de revoir son image, depuis deux jours que nous savons... Elle, calme, sans histoires. 13 ans.
Elle, ce platane et cette corde!
Inconcevable. Inacceptable. Le vide qu'elle laisse. Ses parents désenfantés. Désemparés. La douleur et tant de questions. Un cauchemar mais pas de réveil pour s'en échapper.
Pour des personnes trop souvent absentes. On s'éloigne d'aujourd'hui. La tête trop pleine. Tout tourne, tout brûle. Se détacher et revenir sur ses pieds. Ne pas laisser son esprit virevolter. Vivre, même les choses qui sont imposées. Vivre pour avancer. Et la nuit, laisser tout de côté, et rêver...
Instants volés. Le ciel aussi relie le monde et laisse à chacun une porte pour s'évader...
Qui a dit qu'il faudrait bien se détacher? Qui lui a laissé entendre qu'un jour, elle déménagerait? Qu'est-ce qui lui a fait comprendre que les être vivants mouraient?
"Moi, maman, je veux déménager, mais c'est toi qui m'emmèneras dans ma nouvelle maison quand je serai une maman!" Ah bon? Un peu confus encore tout de même!
"Moi, maman, je veux pas devenir une adulte... parce que je veux pas mourir et aller dans la terre!" ........... là, en revanche, c'est très clair......
Ce que c'est difficile, de grandir! Et de la voir grandir!
On a encore le temps. Elle ne quittera pas le nid avant des années... et pourtant... Seulement 4 ans... le métier de maman est difficile, vraiment!
On est plusieurs à se dire que ce petit jeu a assez duré! Bon, c'est vrai, le pays des petits pois fluos est un peu frais et il fait bon au chaud, là où tu te caches... C'est vrai aussi qu'il faudrait être sûrs de ce fameux prénom qui aura remué tant de méninges et fait couler tant d'encre cliqueter tant de claviers... C'est vrai qu'après, tu ne pourras pas faire demi-tour et que ta maman, sûrement, trouvera quelques occasions de s'en plaindre...
Mais regarde dehors!! Il fait beau, ta maman est fatiguée, tout le monde trépigne d'impatience et tu seras au centre de toutes les attentions. Ton grand frère va commencer à se demander si tout ce qu'on lui raconte depuis toutes ces semaines est vraiment bien réel...
Allez, petit, ose un peu avancer, un peu plus loin, là, tout près, et viens humer l'air au dehors!! Rien ne vaut l'odeur du soleil sur les gazons encore humides de la rosée de mai presque juin! Et quels gazons tu vas trouver, dans ce pays qui aura la chance de te voir le premier!!!
Elle s'installe près de la vitre. Un rayon fragile lui caresse la joue. Les yeux mi-clos, elle s'habitue. Ces derniers jours, l'hiver avait repris le pas sur l'arrivée du printemps. Elle n'a pas eu le temps de s'acclimater au changement. Des manches courtes. Trop? Un frisson parcourt sa nuque. Le sourire aux lèvres, la promesse d'une promenade... Elle emplit ses yeux de verdure, des papillons l'appellent à les rejoindre. La brise agite encore les feuilles du pommier mais ça semble plutôt doux. Vivement l'heure de sortir pour goûter l'odeur du soleil sur la pelouse humide!
Alors quelques images pour combler le vide des derniers jours. des travaux de peinture - un grand-père en visite - un mariage - un gros bobo - la Belgique - une communion - et le quotidien aussi...
La chambre de la demoiselle n'est pas peinte Les gommettes sont renversées Les jouets sont éparpillés Les courses ne sont pas terminées L'aspirateur n'est pas passé Le lit des invités n'est pas fait Les chaises ne sont pas au complet Le couscous n'est pas encore à mijoter Le carrelage n'est pas lavé Les vitres sont toutes barbouillées Les cartons ne sont pas tous évacués Et puis et puis...
Le blog n'est pas alimenté (ah ben si, tiens!) La rentrée n'est pas préparée Les comptes ne sont pas rédigés Les petits ne sont pas soignés Le déjeuner n'est pas préparé...
Le raton laveur n'est pas apprivoisé!!!
Faut que je m'y mette Faut que je m'y mette Faut que je m'y mette!
Tu allais avoir 21 ans. Je préparais la carte pour te les fêter quand le téléphone a sonné. En répondant ce matin-là, la porte du monde des enfants s'est refermée derrière moi. Claquement. La gorge déchirée, les idées émiettées. Figée. Perdre pied. Amputée. Impossible de crier.
"Christelle s'est suicidée"
C'est ta mère qui me téléphonait. Pas possible pas possible. Pas toi. Pas ça. Pas possible. Ma soeur de sang, mon tout, mon moi d'enfant, de toujours. A la vie à la mort. Et non. La mort sans moi. La vie sans toi. Pas possible.
Je garde tout depuis ce matin-là. Je ne digère pas. Il me faut continuer sans toi...
Les pâquerettes que nous aimions cueillir et secret. Les secrets, tous. Les fourmis qu'on observait, tout ce que tu en disais. Ta dinette, nos vies secrètes. Nos histoires. Chacune la soeur que l'autre n'avait pas. Jamais se séparer. Ce jour pourtant...
Je revois cette église. Mes pas sur le trajet. Les larmes me coulent. J'écoute Brel et Brassens. Les larmes me coulent. Le cri ne sort pas il me brûle la gorge il me perce la poitrine. Vertige. Seule devant ce trou. Des marguerites par dizaines. Jetées pour toi au fond du trou. Pourquoi? A quoi ça sert, tout ça?
Où es-tu? Te dire... Comment?
Tu ne me quittes pas. Je continue sans toi. La vie que nous aurions eue. Tous nos projets. L'amitié au travers des étoiles. J'y arrive mal. Je ne m'y fais pas. Je ne sais plus dire ton prénom. A peine l'écrire. Je te voudrais tellement là, ton sourire contre moi, nos mains liées pour avancer. J'avance sans toi. Où es-tu?
Ce monde était trop lourd pour toi. La vie ne pouvait pas. Le chagrin était au bout de ton chemin. On ne pouvait rien. Mais je ne m'y résigne pas. On ne me prend pas ma soeur comme ça. J'avance. Je te garde là. J'ai perdu tes photos mais ton sourire ne s'efface pas. Mes larmes coulent en dedans. Ma gorge brûle. Toujours. Le vertige. Toujours. Je voudrais comme avant serrer ta main et rêver à demain. Seule sur notre chemin.
Elle découpe, il colorie. Ils rient ensemble de penser au moment où ils vont l'accrocher. Un petit bout de scotch, viens par ici que je te le colle. Le plaisir de ce jour-là, pour les petits c'est de faire, pour les grands c'est d'observer et de rentrer dans leur jeu. Une petite respiration dans la vie qui oublie un peu trop de sourire. Profiter. Demain les poissons seront cuits!
Oui, je vois que les visiteurs passent par ici sans s'arrêter, alors faut que j'écrive, si je veux qu'on me fasse signe!
Bon, oui, j'écris!
Mais quoi?
Que le couscous frémit, que le couvert est mis... Non, ça, vous n'avez ni l'odeur douceâtre des pois chiches ni les joyeuses couleurs de ma table de printemps, donc non... Ca ne vous intéressera pas!
Que le soleil a refait son apparition ce soir... Non plus, c'est sûrement pareil chez vous... et puis la pluie et le beau temps.. Non!
Qu'on va dormir une heure de moins et que zut de zut, j'aime paaaaaaas çaaaa... mais il n'y a pas grand chose de plus à en dire!